Blog Afrique sur l'Agriculture Biologique

L’AGRICULTURE FACE A LA MONDIALISATION

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 L’industrialisation de l’agriculture démarre d’abord au Nord et les conséquences en sont la réduction du nombre d’agriculteurs, la dégradation des ressources naturelles, le développement de l’industrie agro-alimentaire de transformation des produits agricoles, la standardisation de l’alimentation et l’apparition de productions excédentaires devant être écoulées en dehors des pays.

L’intensification agricole et une politique d’autosuffisance alimentaire au Nord, conduisent à l’apparition d’excédents dans divers secteurs (céréales, viandes, lait sucre) déjà dans les années 70.

L’écoulement des excédents a également pris la forme d’aides alimentaires. Quand elles étaient accordées de manière systématique hors de toute situation d’urgence, elles ont aussi largement stimulé les exportations commerciales.

Un premier mécanisme pervers de l’écoulement des excédents repose sur l’approvisionnement des villes par les produits venant du Nord concurrençant dangereusement la production paysanne locale qui entre en crise, elle même propagée aux secteurs liés à la production agricole. Le chômage et la paupérisation qui en résultent entraînent un exode rural et le renforcement des importations entretenant ainsi le mécanisme décrit. Mais, ce n’est pas du tout, puisque cette situation entraîne des besoins accrus en devises, qui détournent la production vivrière vers les cultures de rente, dont l’afflux au niveau mondial fait chuter les prix. S’ensuit une nouvelle paupérisation qui renforce l’exode rural et la croissance démographique urbaine, approfondissant l’ensemble du mécanisme.

Tant le secteur vivrier que le secteur d’exportation connaissent une crise profonde. Le dernier est surtout victime de la réduction incessante des prix et ne résiste en réalité que grâce à une surexploitation des ressources naturelles.

L’analyse des dépendances ainsi créés entre économies du Nord et du Sud se doit être plus fine, mais l’on peut globalement constater que la dépendance agricole à l’égard du Nord repose sur des produits de première nécessité, alors que la dépendance à l’égard du Sud repose sur des produits de luxe et d’alimentation animale (ces derniers provenant surtout d’Asie et d’Amérique Latine).

  • Mondialisation de l’intensification agricole

Le processus a débuté au Nord avec la mécanisation, l’utilisation d’intrants chimiques (engrais, pesticides), les biotechnologies (processus qui a débuté avec les semences sélectionnées) et les modèles d’organisations. Il a tendance à s’imposer progressivement au Sud sous l’impulsion de la coopération agricole. Importateur de facteurs de production non maîtrisés par les paysans, un secteur agricole qui se veut moderne s’impose progressivement surtout en vue de l’exportation. Les conséquences sont l’inadaptation des méthodes de production au contexte écologique et social des pays en voie de développement, l’exclusion des paysans et l’entrée en crise de l’agriculture paysanne, davantage axée sur les cultures vivrières. Cette agriculture, pourtant bien adaptée au contexte local (parce que respectant la capacité de charge de l’environnement) est ainsi privée de ses possibilités d’amélioration et de développement dont elle aurait besoin par le biais de la Recherche agronomique et du Conseil agricole pour assurer la sécurité alimentaire et un développement équilibré et durable.

Car, les paysans n’ont-ils pas besoin d’arriver à des systèmes de production agricoles évolutifs, d’autoperpétuation d’espèces végétales et animales, leur permettant de mettre sur le marché à chaque période de l’année, des productions à des prix rémunérateurs, et ceci dans une démarche économe (utilisant l’ensemble des énergies renouvelables disponibles dans le milieu en limitant les intrants extérieurs) tout en sauvegardant les ressources naturelles ?

  • Mondialisation, subventions agricoles et pauvreté

Le Sommet Mondial de Johannesburg sur le Développement Durable nous apprenait qu’en 2001, les pays riches ont accordé six fois plus de subventions à leur agriculture que d’aide au développement soit 311 et 55 milliards de dollars US respectivement. Cette situation donne au secteur agricole de ces pays un avantage concurrentiel certain par rapport aux pays pauvres. Ainsi, les produits agricoles des pays riches arrivent à des prix de dumping (très bas) au niveau des marchés déjà ouverts des pays en développement où, les consommateurs pauvres les achètent au détriment des produits agricoles locaux provenant des petites exploitations familiales dont les revenus baissent de jour en jour.

C’est le cas de la viande bovine européenne qui a détruit les moyens de subsistance des éleveurs du Sahel (Burkina Faso, Mali, Niger) qui exportaient leur viande dans les grandes métropoles de l’Afrique de l’Ouest (Cote d’Ivoire, Togo, Bénin) où la viande européenne était vendue 40% moins chère que la viande locale. C’est aussi le cas des ailes de dinde ou des cuisses de poulets au Sénégal venant d’Europe qui coûtent 1100 FCFA le kilogramme alors que celui du poulet produit localement coûte 2000 FCFA.

Par ailleurs, les marchés des pays développés représentent l’essentiel des débouchés des exportations agricoles africaines qui sont confrontées à des difficultés d’accès à ces marchés qui appliquent des crêtes tarifaires pour plusieurs produits (sucre, viande et produits horticoles) et la progressivité tarifaire continue à prévaloir dans plusieurs chaînes de produits importants (café, cacao, graines oléagineuses, légumes, fruits, cuirs et peaux notamment). A cela, s’ajoutent des mesures sanitaires et phytosanitaires qui sont de véritables barrières non tarifaires à l’entrée des produits agricoles africains au niveau ces marchés.

En plus, les Accords de Partenariat Economique Régionaux (APER) en cours de négociation entre l’Union Européenne et les pays ACP qui devaient démarrer au 1er Janvier 2008 sont inquiétants, puisque la libéralisation doit être étendue à tous les secteurs, donc à l’agriculture et porter sur au moins 90% des échanges. On va mettre ainsi en concurrence le producteur de mil sénégalais ou malien qui produit en moyenne une tonne de mil par hectare sur environ un à trois hectares, avec le producteur européen qui en produit 7 tonnes par hectares sur une superficie de 130 hectares, sachant que le second reçoit environ 60.000 Euros d’aides directes et que le premier ne reçoit rien. En plus, le Tarif Extérieur Commun (TEC) de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA) n’impose qu’un droit de douane très bas de 5% sur l’importation des céréales, alors que l’OMC autorise aux pays de l’UEMOA des droits de douanes supérieurs. Pour l’accès aux marchés pour les produits agricoles selon la Liste du Sénégal, le taux plafond consolidé est de 30% plus des droits additionnels pouvant aller jusqu’à 150%.

Conséquence, l’écart entre le prix mondial et le prix du marché intérieur peut aller jusqu’à 180%, ce qui permet en théorie une protection potentielle importante des produits agricoles locaux. La Côte d’Ivoire pourrait aller jusqu’à 230% si ce n’était le respect du TEC de l’UEMOA. La CDEAO qui a défini sa Politique Agricole Commune a répété les mêmes erreurs, au lieu d’instituer un “Marché Sous-régional Protégé”.

L’accord-cadre sur l’agriculture conclu à l’OMC le 31 Juillet 2004 pour le rééquilibrage des rapports Nord-Sud en matière d’échanges agricoles, où les pays occidentaux s’engagent à éliminer leurs subventions à l’exportation et leurs subventions internes ayant des effets de distorsion des échanges, est très complexe et n’apportera aucune solution aux subventions agricoles énormes accordées par les pays du Nord à leur agriculture. En effet, l’accord-cadre négocié par le “Groupe des 5” (les ministres du commerce du Brésil et de l’inde représentant les pays en développement, face à ceux de l’UE, des USA et de l’Australie, n’a fait que fournir une carte blanche à l’Union Européenne et aux Etats Unis d’Amérique pour accroître fortement leurs soutiens internes ayant des effets de distorsion des échanges, simplement par le jeu de techniques de négociations sophistiquées.

Finalement, en Juillet 2008 à Genève, on a abouti à l’échec des négociations commerciales sur le cycle de Doha engagé en 2001 à cause des divergences importantes entre les pays et groupes de pays sur la « Question Agricole ».

  • Atteinte à l’environnement, aux ressources naturelles et à la biodiversité

Le modèle de production agro-industrielle a fini de causer des dommages incalculables à l’environnement, aux ressources naturelles et à la biodiversité. Ses coûts de production n’ont jamais intégrés les dommages à l’environnement dans la détermination des prix des produits agricoles. L’utilisation de l’énergie fossile et les émissions de gaz à effet de serre produites par ce modèle de production, combinée à celle provenant des usines, devaient inciter tous les pays développés à ratifier le Protocole qui va remplacer celui de Kyoto et l’appliquer.

  • Les Mesures d’ajustement structureletlePoids de la Dette

Dans les années 80, le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale ont contraint la plupart des pays en développement à adopter des mesures d’ajustement structurel pour bénéficier de leurs appuis financiers. Ces mesures ont obligé les gouvernements à libéraliser l’économie,  privatiser les entreprises publiques éliminant ainsi une bonne part des services publics de santé, d’éducation, d’accès à l’eau potable, réduire les budgets d’investissements publics, dévaluer la monnaie, le respect scrupuleux du remboursement de la dette très lourde d’ailleurs, l’arrêt des subventions à l’agriculture et le désengagement de l’Etat entre autres. Les conséquences pour les populations sont la détérioration des conditions de vie surtout pour les femmes et les enfants et l’obligation d’un exode massif vers des lieux plus cléments. Ce phénomène a été déterminant dans l’immigration vers les villes dans les pays en développement comme ceux d’Afrique. Cette immigration s’est faite aussi vers l’Europe et les Etats Unis d’Amérique. Au passage, il faut saluer la contribution déterminante des immigrés à l’économie de leurs pays par des envois importants de devises étrangères suppléant ainsi la diminution de l’aide publique au développement.

  • Difficile accès des pauvres aux ressources financières

En général, les populations pauvres n’ont pas accès au crédit et aux diverses ressources financières dans leur pays. Ce sont les ménages ruraux qui souffrent le plus de ce phénomène. Une étude du Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) sur le financement du secteur agricole en Afrique de l’Ouest nous révèle que les exploitations familiales ne reçoivent que 3% des ressources financières disponibles dans la Sous-région, et qu’un paysan Ouest africain ne reçoit en moyenne que 3000 FCFA (soit environ 5 Euros) par an pour le financement de sa production, et les financements disponibles sont seulement à court terme (6 à 7 mois). Il n’existe pratiquement pas de crédits à l’investissement (moyen et long terme).

Ibrahima Seck
Author: Ibrahima Seck

Le « Blog Afrique sur l’Agroécologie » (Agroecology Africa Blog) présente des pratiques agricoles durables et des solutions biologiques spécialement conçues pour les agriculteur.rice.s africain.e.s. Il traite de problématiques spécifiques telles que la santé des sols, la protection des cultures, la conservation de l’eau et bien d’autres encore, à l’aide de méthodes pratiques.
 
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